Lors de la Crunchyroll Expo qui s’est tenue durant l’été dernier, l’auteure du manga A Couple of Cuckoos, Miki Yoshikawa, et la doubleuse Akari Kitō ont réalisé une interview et ont partagé leur point de vue sur la série, en particulier autour du personnage de Erika Amano.
Le panel a ainsi débuté avec une session de questions-réponses avec la mangaka, qui ne se prête que rarement à l’exercice.
A couple of Cuckoos raconte l’histoire de deux adolescents échangés à la naissance. Mais plutôt que de briser les deux familles, les parents ont dédicé unilatéralement de fiancer leurs deux enfants et les voilà obligés de vivre ensemble : Nagi le lycéen sérieux et Erika au caractère fougueux. La première saison de l’anime est disponible sur Crunchyroll tandis que le manga est édité en France par Pika.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de l’adaptation en anime ?
Miki Yoshikawa : En fait, la décision a été prise relativement tôt. J’ai été surprise, bien entendu. Un anime, c’est très différent d’un manga. C’est en couleurs, il y a le son, les mouvements … Du coup, tout en étant surprise, j’étais curieuse. J’avais hâte.
Akari Kito : Où en était la publication à ce moment-là ?
Miki Yoshikawa : Au premier tome je pense.
Akari Kito : Si tôt ? C’est fou ! Est-ce que cette perspective a influencé votre travail ?
Miki Yoshikawa : Non, pas du tout. Je ne préfère pas y penser, sinon je ne parviendrais plus à écrire. J’avance comme j’en ai envie, sans m’en soucier.
Quel a été le point de départ ? Qu’est ce qui a déclenché A Couple of Cuckoos ? Y-a-t-il eu un évènement particulier ? Si oui, quand ?
Miki Yoshikawa : Un évènement particulier ? Ça remonte à l’époque où je dessinais Yamada-kun, je pense. C’est aussi une histoire de rencontre garçon-fille, un genre que je dessine depuis longtemps. Je réfléchissais à la prochaine œuvre que j’aurais envie d’écrire, et je voulais des opposés car ça facilite énormément l’écriture. Je me retrouve bien dans ce type d’histoires. Associer quelqu’un de riche à quelqu’un qui a moins d’argent m’a semblé un bon point de départ. C’était l’idée de base. A partir de là, quand j’ai dû creuser l’idée, j’ai réfléchi à leur rencontre, à la façon de tisser une histoire autour d’eux. C’est ainsi qu’est venue l’idée de bébés échangés à la maternité. Ensuite, j’ai élaboré petit à petit.
Akari Kito : Je croyais que tout était parti de l’échange, mais c’est l’opposition.
Miki Yoshikawa : Oui, c’est l’opposition entre riche et pauvre.
Comment avez-vous été impliquée dans le processus d’adaptation en anime ?
Miki Yoshikawa : J’ai été impliquée dès la première grande réunion. Néanmoins, à cause de la crise sanitaire, beaucoup de choses se sont faites à distance. J’ai reçu les scripts, les plannings expliquant le processus. On m’a demandé de tout vérifier, puis j’ai aussi lu les scénarios et autres… Même les storyboards. J’ai constamment échangé avec l’équipe, même à distance. J’ai été beaucoup impliquée, je pense.
Akari Kito : Oui, vous étiez souvent présente aux séances de doublage.
Miki Yoshikawa : A la première séance on m’a demandé mes exigences. Je ne sais plus exactement ce que j’ai répondu, mais j’ai insisté sur les plats, je voulais que ça ait l’air bon. J’y tiens beaucoup, même dans le manga.
Akari Kito : On voit les plats dans l’anime. Ils ont l’air délicieux.
Miki Yoshikawa : Connaissant l’heure de diffusion au Japon… 1h du matin. C’est une torture ! Ça fait gargouiller le ventre. Ça donne faim. Je pense qu’on peut dire que j’ai été très sollicitée. J’ai souvent donné mon avis.
Quelle voix imaginiez-vous pour Erika en dessinant le manga ? Qu’avez-vous ressenti en écoutant le doublage ?
Miki Yoshikawa : Quand je dessine, je n’ai pas de voix particulière en tête. Mais en vous entendant jouer, je me suis dit : « Ça, c’est Erika ! » Le ton, la façon de parler, c’est exactement Erika. Maintenant, quand je dessine, j’entends votre voix.
Akari Kito : Merci ! Est-ce que la voix des autres acteurs était une surprise ?
Miki Yoshikawa : Non, comme pour Erika, je n’ai pas la voix des personnages. Au fur et à mesure que j’ai écouté les enregistrements, j’ai adopté les voix des différents acteurs. Je n’aurais pas pu rêver de meilleurs choix d’acteurs.
Quelle a été votre réaction en décrochant le rôle ?
Akari Kito : Personnellement, je suis une grande fan. Je lisais le Weekly Shonen Magazine quand j’étais ado. A l’époque c’est Yamada-Kun qui était en cours. Je me suis lancée dans le doublage alors que la série était en cours. Au tout début de ma carrière, il y a eu une audition pour l’anime. Hélas, je n’ai pas été prise. Mais j’ai pu prendre ma revanche avec ce titre-ci et j’en suis ravie ! J’ai beaucoup de chance de jouer dans l’une de vos œuvres. Je suis enchantée de jouer le rôle d’Erika. Chaque semaine, j’ai hâte d’aller en studio.
A quoi avez-vous prêté attention pour jouer le rôle d’Erika ?
Akari Kito : Alors en fait, depuis que je lis le manga, j’ai toujours entendu sa voix. J’ai instantanément eu une image claire de sa façon de parler. Ce n’est pas toujours le cas, mais pour Erika, c’était évident. Je me contente de servir de haut-parleur. C’est simple pour moi qui suis aussi impulsive qu’elle.
Miki Yoshikawa : Elle est impulsive en effet. C’est intuitif chez vous, ça se voit. Tout le monde est toujours pris de court par votre jeu. C’est un point commun entre Erika et vous.
Akari Kito : Elle n’a pas l’air très réfléchie, je fais comme elle.
Miki Yoshikawa : Vous vous imprégnez du personnage. Pendant les enregistrements, vous sembliez très naturelle. Dans les réactions de surprise, notamment.
Akari Kito : J’essaie d’être dans l’instant. C’est aussi grâce au jeu des autres que je peux jouer ainsi.
Miki Yoshikawa : Est-ce que jouer ce rôle a posé des problèmes particuliers ?
Akari Kito : Non, comme on vient de le dire, elle est si naturelle et intuitive que je n’ai jamais trop réfléchi. Je n’ai pas eu de difficultés particulières.
Miki Yoshikawa : C’est ce qui m’a semblé. J’ai écouté et vu des émissions où Mlle Toyama, celle qui interprète Hiro, expliquait avoir eu beaucoup de difficultés avec son rôle. Pendant les enregistrements elle me consultait souvent. Elle posait des questions pour s’assurer qu’elle jouait juste.
Akari Kito : Hiro est complexe, on ne sait pas à quoi s’en tenir. Elle est indéchiffrable. Alors qu’Erika, elle est telle qu’elle est. Elle ne cache rien et montre tout. C’est sans doute le rôle le plus facile. Je lui en suis très reconnaissante.
Miki Yoshikawa : Vous êtes très à l’aise en tout. Ça semble facile quand on vous voit jouer.
Y-a-t-il eu des points auxquels vous faites attention depuis le début de l’anime ou du manga ?
Miki Yoshikawa : L’histoire commence par un échange de bébés, ce qui modifie la destinée de chaque personnage. C’est la thématique de base et j’y tiens beaucoup. J’essaie de garder ce cap. Néanmoins, c’est un sujet assez lourd. Je ne voudrais pas que ça devienne déprimant. C’est un écueil que j’essaie d’éviter. J’aborde un thème sérieux tout en gardant de la légèreté. C’est un équilibre fragile.
Akari Kito : Oui, le sujet est sérieux mais les personnages sont si enjoués que ça ne devient pas pesant.
Miki Yoshikawa : C’est voulu, j’y fais très attention.
Akari Kito : Je trouve que c’est un de vos grands points forts. On vous lit avec joie. Étant responsable de jouer la voix d’Erika, je me sens investie d’une mission, la présenter sous son meilleur jour, la faire briller de mille feux. Les actrices des autres héroïnes ont sans doute la même démarche. On veut que notre héroïne soit la plus mignonne de toutes. Finalement c’est comme dans le manga. On rivalise mais on s’entend bien.
Miki Yoshikawa : Vous vous complimentez mutuellement.
Akari Kito : Et Ishikawa, comme Nagi, nous traite de manière égale. Il est égal avec nous
Miki Yoshikawa : Et de temps en temps, il est distrait.
Akari Kito : Oui, on ressemble à nos personnages.
Miki Yoshikawa : A force, je me demande s’il y a ressemblance ou si je me laisse influencer par vos personnalités. C’est difficile à dire tant la synergie est grande.
Des éléments de vos titres précédents vous ont-ils influencé ou aidé ?
Miki Yoshikawa : Les histoires de mes deux mangas précédents se déroulent au lycée, comme celle-ci. Ça fait plus de 50 tomes d’histoires de lycéens. Je veux en finir, je veux quitter le lycée ! [Rire] C’est ce que j’ai pensé à un moment mais changer les personnages et le cadre aurait complètement modifié l’histoire. Je pense être parvenue à apporter de la nouveauté dans cette histoire. Au début, j’ai vraiment cherché à me renouveler, à amener du neuf dans cet univers connu. Mais au final, le lycée est un univers qui me tient à cœur. Au bout du compte… Je suis repartie pour un tour !
Akari Kito : [Rire] Vous êtes experte maintenant. On en parlait pendant les enregistrements, parce que plein d’éléments nous rappelaient des souvenirs. Tout semble accessible, on aimerait que ça nous arrive.
Miki Yoshikawa : Ça me fait très plaisir. Je fais des recherches pour rester la plus réaliste possible. Je suis contente que vous l’ayez vu.
Akari Kito : Merci beaucoup. Y-a-t-il des points particuliers auxquels vous avez prêté attention ?
Miki Yoshikawa : Comme je le disais, j’ai voulu me renouveler. Éviter d’écrire la même histoire que les précédentes. J’ai aussi fait attention à capter l’air du temps.
Akari Kito : Oui, Erika est très moderne.
Miki Yoshikawa : Oui, elle est sur les réseaux. C’est une première. Elle aime la photo. Ce sont des éléments contemporains, qui un jour appartiendront au passé. Ce manga sera un témoin de l’époque. Je trouve que c’est une approche intéressante. Je fais donc attention à intégrer les tendances actuelles.
Akari Kito : C’est ça qui rend Erika si actuelle. Je pense qu’on s’identifie.
Miki Yoshikawa : Elle est proche des lecteurs.
Akari Kito : Oui, très proche, je pense. J’aime bien les réseaux, je regarde TikTok… J’aime retrouver ces éléments.
Akari Kito : Après toutes ces questions, place au moment que j’attendais tant : la séance de live-drawing. Je suis ravie d’y participer. Moi aussi je vais dessiner.
Miki Yoshikawa : C’est rare de voir un autre dessiner mon personnage. Ça me fait extrêmement plaisir.
Akari Kito : J’ai intérêt à m’appliquer.
Miki Yoshikawa : Ça va être difficile de discuter en dessinant. Discuter et dessiner ça ne va pas ensemble, il faut se concentrer. Si je discute en dessinant, je me laisse distraire et je me retrouve à dessiner Nagi avec d’immenses cils. Je lui dessine ceux d’Erika. Je ne le vois que quand j’arrête de discuter.
Akari Kito : Y-a-t-il des trucs pour dessiner Erika ?
Miki Yoshikawa : J’y fais moins attention en ce moment mais comme les filles sont très attentives à leurs cheveux, j’y suis aussi attentive. A l’angle des mèches avant, au placement des cheveux sur la nuque ou autour du visage. Ses couettes sont placées à un endroit spécifique. Légèrement au-dessus des oreilles, ni trop haut ni trop bas. En général on les place plus haut, mais ce n’est pas son cas. Pour un personnage féminin, la coupe est cruciale.
Akari Kito : Quel est le personnage le plus facile à dessiner ? Nagi est simple ?
Miki Yoshikawa : Oui, mais justement, ça le rend plus difficile. Sa silhouette est différente, puisque c’est un garçon. Le profil de son visage est différent. Il y a des différences entre garçon et fille. Mettons qu’on place Nagi et Erika côte à côte, ce sont deux profils différents. Nagi est plus élancé. Erika, elle, est plus ronde. Finalement, la plus facile à dessiner c’est la maman Umino. Je la dessine facilement.
Dans l’ensemble ils sont tous faciles à dessiner. Au tout début, le personnage qui a pris vie le plus rapidement, dans les quelques premières pages, celles où Sachi apparaît, c’était elle.
Akari Kito : Ah, Sachi ?
Miki Yoshikawa : Aux prémices de l’histoire, quand Nagi doit rencontrer ses parents, elle apparaît pour planter le cadre de l’histoire. Au début, c’était son unique rôle.
Akari Kito : Ce n’était pas une héroïne ?
Miki Yoshikawa : Non, pas encore. Mais en la dessinant, quand elle dit qu’elle veut garder son frère, c’est comme si elle avait pleuré d’elle-même. Je me suis dit qu’elle n’était pas n’importe qui.
Akari Kito : Est-ce que vous êtes du genre à dessiner en connaissant la fin ?
Miki Yoshikawa : Non, ça dépend. Pour Yamada-Kun, j’avais déjà la fin en tête. Pour Cuckoos, c’est un secret. [Rire]
Akari Kito : C’est pas juste ! [Rire] Il y a un enregistrement où on vous avait posé la question…
Miki Yoshikawa : J’ai pris un biscuit au lieu de répondre. Tout le monde me regardait, c’était rigolo. Je garde ça pour moi.
Y-a-t-il des scènes qui vous ont particulièrement plu ?
Miki Yoshikawa : Chaque fois, et par « chaque fois » j’entends « chaque semaine », il y a une scène à laquelle je tiens tout particulièrement. Je me bats pour cette scène. Au premier chapitre, par exemple, il y a la scène où Nagi rencontre Erika sur fond de cerisier en fleurs. La passerelle n’existe pas mais j’ai exploré le quartier pour me baser sur des éléments réels. Je voulais que ce cerisier en fleurs soit aussi réaliste que possible. Un manga est en noir et blanc, mais je voulais qu’on voie presque les couleurs.
Akari Kito : Je les ai vues. Distinctement. J’ai vu les pétales roses.
Miki Yoshikawa : Je tiens à ce niveau de qualité. Dès le premier tome, j’ai eu du mal à tenir les échéances. Chaque fois, je manque de temps mais j’insiste sur certaines scènes. Je veux que ça en jette. Et au premier chapitre j’ai tout donné.
Comment réagiriez-vous si vous appreniez que vous aviez été échangée à la maternité ?
Miki Yoshikawa : J’y ai beaucoup réfléchi. C’est le thème de l’histoire et on le sait depuis le début, quand le lecteur découvre Nagi dans les premières pages. C’est un bouleversement. Je me suis demandé comment mon héros allait réagir. Et comment moi, je réagirais. Je ferais juste « Ah ? », je crois. Ou alors je rirais aux éclats. Je me souviens que c’est ainsi que je voyais les choses. Et vous ?
Akari Kito : Moi ? Bonne question ? Je crois que je serais triste d’apprendre que mes parents ne sont pas mes véritables parents. Ça me rendrait triste je pense. Je serais curieuse de connaître ma mère biologique.
Miki Yoshikawa : Oui moi aussi. C’est enjeux-là apparaissent dès le chapitre 1. C’est explicite dès les premières pages mais ça a une portée énorme. Les parents de Nagi apparaissent aussi dans ce chapitre. On y voit toute la famille Umino. Or, ce ne sont pas ses parents biologiques mais ceux d’Erika donc il devait y avoir une ressemblance avec elle. En y réfléchissant, c’est un élément qui ouvre de nombreuses portes. Ça vaut aussi pour Sachi, elle est la sœur d’Erika. Dès les 4 ou 5 premières pages, l’histoire révèle des infos qui ouvrent de nombreuses pistes. Ça n’en fait pas un manga extraordinaire, mais je voulais que le lecteur s’y attarde. Ce n’est pas là que je voulais l’emmener. J’ai dû faire en sorte, comment dire, de le cacher. De le rendre inaperçu. Il ne fallait pas qu’Erika et sa mère se ressemblent trop. J’ai noyé le poisson.
Akari Kito : C’est réussi. On est happé par l’histoire.
Miki Yoshikawa : Vous m’en voyez ravie.
Akari Kito : Personnellement, j’ai toujours eu du mal à choisir un thème. Ce qui m’intéressait, c’était de dessiner de beaux visages, féminins ou masculins. Dessiner de jolies silhouettes. Dessiner joli en fait était mon thème. Mais ça ne suffit pas pour créer un dessin. Comment choisit-on une expression ? Comment choisit-on une pose ?
Miki Yoshikawa : Ce n’est jamais facile mais si je peux donner un truc, je ne veux pas parler de conseil, ce serait prétentieux. Ce que je fais, mon truc pour donner un sujet à mes dessins, c’est d’utiliser un accessoire. Par exemple, c’est quatre-là, rien qu’en leur faisant tenir de l’argent, ils vont prendre la pose. Je ne sais pas pourquoi cet exemple me vient en tête. [Rire] Si Erika ou Nagi tient un billet, ils n’auront pas la même expression. Les accessoires permettent de trouver une expression propre à chaque personnage. Ça me sauve parfois.
Avez-vous un accessoire fétiche ?
Miki Yoshikawa : Un accessoire fétiche…
Akari Kito : Je sais, Sobasshi !
Miki Yoshikawa : Oui, c’est vrai. On le voit souvent. Chacun le tiendra différement. Sachi par exemple, le serre très fort.
Cette interview autour de A couple of Cuckoos fut réalisée par Crunchyroll Expo et retranscrite par Manga Clic