Se remarquant par sa capacité à s’affranchir des codes du genre et à détruire bon nombre de convictions sur son passages, le manga Chainsaw Man s’est rapidement distingué des autres shōnens. Doté d’un humour tantôt graveleux, tantôt macabre propre à son auteur, le manga déstabilise agréablement.
Les lecteurs de Fire Punch retrouveront avec plaisir des thèmes de cette précédente série. La noirceur, la perversité humaine, l’exploitation des plus faibles ou encore le sacrifice de soi, sont autant de sujets ici repris avec cette même ambiance dérangeante et terriblement efficace.
Alors qu’un héros authentique ne semble toujours pas au programme, Chainsaw Man nous entraine au côté d’un anti-héros : Denji. L’adolescent est miséreux, couvert de dettes et exploité. Bien qu’il existe plus clinquant comme personnage de shōnen, cet estropié se distingue pourtant. Sans grandes ambitions ou rêves incroyables et irréalisables, Denji n’aspire qu’aux plaisirs ordinaires qu’il n’a jamais eu la chance de connaitre.
Son évolution progressive, tant sur le plan psychologique que relationnel le rendent attachant tandis qu’il est doté d’un certain charisme, qu’il soit sous sa forme humaine ou sous sa forme hybride.
C’est donc dans un Tokyo des années 90, rehaussé d’une pointe de dark fantasy et des personnages déjantés, que le lecteur assiste à des affrontements débridés sanglants et visuellement jouissifs.
Car le talent de Tatsuki Fujimoto se révèle également dans sa composition artistique. Alors que le dessin se fait brutal et brouillon, le lecteur ne peut qu’être fasciné par l’esthétisme de cet artiste qui use, sans retenue, de poses dynamiques et des double-pages semblables à de véritables tableaux.
Aussi, on est admiratif face à la différence entre le style volontairement simplifié des scènes ordinaires et la profusion des détails qui surgissent lors de l’action. Cette dualité graphique permet au mangaka de moduler avec une étonnante facilité l’intensité de sa narration.
Le cocktail se révèle explosif, Chainsaw Man nous maintient en haleine du début à la fin avec une fougue qui ne faiblit jamais. Au contraire, au fil des tomes le récit gagne en puissance pour notre plus grand bonheur.
Violente, rugueuse, artistique mais aussi effroyablement drôle, la série conviendra à un large lectorat, même si les âmes sensibles devraient s’abstenir. Jouant sur la surprise, déjouant les prédictions et n’épargnant aucun personnage, elle devient rapidement addictive.